On connait tous un bricoleur : ce tonton magique que sait aussi bien réparer l'alternateur de sa voiture (déjà il sait ce que c'est) que fabriquer une table ou couler une dalle de béton. Réparer, améliorer, fabriquer, c'est son credo.
La bidouille, comme bien des domaines, a entamé sa transition numérique.
La démocratisation de certaines machines-outils et la gratuité des échanges de connaissances dans une société connectée permettent aux bricoleurs de repousser les limites. Au delà des domaines traditionnels réservés aux ancêtres des nerds comme l'automobile, le bâtiment et la couture, de nouveaux domaines s'ouvrent aux bricoleurs modernes : réparation d'électroménager, bidouille électronique, programmation, bijouterie, prototypage 3D, robotique... Tout est devenu accessible grâce aux technologies numériques.
Le fil rouge sur le bouton rouge, le fil vert sur le bouton vert.
L'électronique était couteuse et fragile dans les années 80 et 90. Beaucoup d'enfants n'avaient pas le droit de toucher à ces objets précieux. "Ne touche pas ! Tu vas le casser". Il faut savoir qu'un enfant assimile souvent mal les tournures négatives. L'interdiction devient presque une invitation. C'est comme ça que l'on fabrique une génération de bidouilleurs et de hackeurs.
L'influence subliminale de Gaston Lagaffe
Très utile pour répondre au courrier des lecteurs
Si il est surtout perçu dans l'inconscient populaire comme un gaffeur, c'est un personnage aux multiples facettes : flemmard, c'est aussi un poète optimiste, un passionné, un inventeur de l'inutile, un gentil écolo...
L’éclectisme et de l'avant-gardisme de ses bidouilles parle d'elle même : Modélisme, électronique, informatique, robotique, transport...
Bon voilà c'est un anti-héro donc par nature, un enfant ne se dit généralement pas "Plus tard je serai Gaston Lagaffe" mais il est inimaginable que les aventures du sympathique garçon de bureau n'aient pas eu d'influence sur ses millions de lecteurs.
Gaston c'est un proto-geek. C'est un proto-adulescent. C'est un proto-procastrinateur. C'est la graine de la génération Y, le papa des millenials.
Le bricolage moderne
Comme on est au 21e siècle, on invente tout un jargon pour hyper la chose. Parce que maintenant, on ne se contente plus de faire ou de réparer, on crée ! Les makers dans les labs sont les Géo Trouvetou d'autrefois. Les Maker Faire sont les concours Lépine d'hier.
Internet a facilité la vie des bidouilleurs.
Il est possible de se documenter sur quasiment tous les sujets. Modes d'emploi, tutoriaux, vidéo explicatives... Peu de domaines ne sont pas documentés. Il faut noter d'ailleurs que certains savoirs confidentiels comme le crochetage de serrure sont passés de l'ombre à la lumière. On peut même acheter des kits d'entrainement sur Amazon...
La culture de l'open source encourage aussi les utilisateurs à devenir des acteurs de l'utile. Elle encourage la transmission de la connaissance.
L'outillage numérique et les composants sont aussi beaucoup plus abordable qu'avant. Le prix d'attaque d'un ordinateur est devenu incroyablement bas.
De nouveaux outils ont changé la donne, comme les imprimantes et les scanners 3D. Le coup et l'usage marginal de certains outils favorise la création d'ateliers partagés.
Fablabs
Les fablabs sont des ateliers partagés de nouvelle génération. Outre l'outillage de l'atelier numérique (imprimante 3D, découpeuse laser, plotteuse, ordinateur, imprimante, tour à bois, machine à coudre...), toute connaissance acquise par un des membres de l'atelier doit être documentés pour resservir à un prochain utilisateur. La notion d'entraide est très importante. Les utilisateurs des ateliers doivent (théoriquement) participer au rangement et à l'entretient du lieu.
Les fablabs sont un phénomène mondial. C'est parti des États Unis en 2001, pour se propager rapidement. Voici une carte des fablabs dans le monde et voici une carte des fablabs en France. À noter également la création d'un réseau français des fablabs.
Il y a des fablabs de tous types. Associations radicales de la culture du libre, structures universitaires, ateliers payants... Peut se prétendre Fablab un endroit qui répond à la charte originalement émise par le M.I.T. .
On peut y croiser tous types de bricoleurs et de geeks. Un barbu qui répare son électroménager en fabriquant une pièce cassée, un étudiant en architecture qui fait une maquette avec la découpeuse laser, deux rigolards excités d'avoir mis un Arduino dans une cafetière, un couple en train de faire du home-staging avec la découpeuse laser, une pilote de course de drone qui soude un truc, etc...
Personnellement, mon outil de prédilection est la découpeuse laser. Parfaite pour faire de beaux pochoirs ou graver des objets en surface.
Fist bump en afrique
L'objet phare étant l'imprimante 3D. J'ai un peu plus de mal à lui trouver des utilisations personnelles, mais c'est l'outil qui marque les esprits. Les imprimantes de premières générations n'étaient pas géniales, mais maintenant on arrive facilement à un objet de belle apparence (avec un peu de travail de finition ) disposant si besoin est d'une bonne résistance mécanique.
Dans le domaine médical les applications sont multiples.
En ce qui concerne les Fablabs, la réalisation de prothèses pas chères change complètement la donne.
Le projet enable met en relation des enfants amputés avec des makers bénévoles.
Big love
Quelques adresses
Et mon choucou
- Le fabcafé. Japonais, à ouvert une antenne à Toulouse. Je n'y ai jamais mis les pieds mais j'adore leur activité en ligne.
Mon expérience personnelle
Deux exemples de bricolage très simples.
Une heure de fun au Faclab de Gennevilliers
Le premier projet est un test de bijou / objet découpé dans du PVC. C'est pas cher, assez joli car coloré, et la découpe laser ne fait pas cet effet pyrogravure moche qu'on a en découpant du bois. Au dessus de 4mm d'épaisseur les objets découpés sont assez solides. Les formes de découpe sont des dessins vectoriels, la gravure en surface est un fichier bitmap.
Le second bricolage est un exercice de tuning skate, avec des bandes de LED, des poches à piles, une plaque de fixation et des fils. Mon skate ne roule plus quand le temps est humide, mais quelle classe au soleil couchant.
Au départ j'aurais voulu en mettre tout autour mais les bande LED sont trop fragiles pour l'avant et l'arrière du skate.
Les 8 piles garantissent puissance et autonomie, par contre j'ai vite "blindé" le montage avec du duct-tape.
C'est peut être idiot mais je m'en sers beaucoup plus maintenant qu'il ressemble à une Xantia picarde.
Un skate qui vend du rêve #nofilter
Inspirations
"C'est très bien tout ça, mais chez moi rien n'est cassé et j'ai pas trop d'idées" me direz-vous. Mais mon bon monsieur, Internet est là pour vous servir !! Et comme on parle de loisir de geeks je peux vous assurer que c'est fourni.
Sites de référence
Vite fait bien fait, une lampe design
Best of Instructables, pour le plaisir
Le site a publié une sorte de best-of.
Autres projets cools
Shopping fournisseurs
La morale de cette histoire
Fabriquer et réparer soi-même, c'est parfois une joie. C'est souvent une nécessité économique. C'est une satisfaction quand on conclut un projet et qu'il fonctionne.
Certains vont plus loin (trop loin ?) dans leur obsession.
Ken Imhoff, après 17 ans d'efforts, a usiné et construit lui même sa Lamborghini dans sa cave. Son père lui avait dit "pourquoi acheter une chose si tu peux la construire toi même ?". Il a tout fait lui même à l'exception de certaines pièces (moteur v8 Ford, boite de vitesse...). Sa monomanie a payé, il est maintenant au volant de la voiture de ses rêves.
Chérie tu veux une biscotte ?
Thomas Thwaites, un artiste anglais un peu fou, s'est mis en tête de construire lui même un grille-pain entièrement made in England (vu dans le commerce made in China à 10€).
400 pièces, 5 matériaux. Il a tout fabriqué lui même de l'extraction des matières premières au façonnage et à l'assemblage. Il a miné son fer et son cuivre lui même ! Il a moulé la coque avec un plastique à base d'amidon. Les gaines de fil électriques par contre... n'essayez pas sa méthode à la maison !
À l'arrivée l'objet fonctionnera 5 secondes, est horrible et lui a couté des centaines d'euros. Mais il a l'air plutôt content de son expérience.
On est dans la performance artistique de design dont s'approchent parfois malgré eux certains makers. Le jusqu'au-boutisme dans le do-it-yourself a ses limites.
Attention aussi à ne pas voir trop gros. Commencez par de petits projets, avec un niveau de challenge acceptable et un coût minime. Faites vous aider, entrez en relation avec d'autres bidouilleurs. Essayez, tripotez, machinez, codez, apprenez et n'oubliez pas qu'il n'y a pas de soucis à louper son coup.